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Les parkings genevois font grincer des dents (01/04/2004)
Porter votre ticket à la bouche peut provoquer des maladies bucco-dentaires selon les spécialistes.
Parking souterrain, 10h. Vous arrivez à l’entrée, appuyez sur le bouton, un ticket en sort. Vous le saisissez et, machinalement le portez à votre bouche en quête d’une place. Sans le savoir, par ce geste anodin, vous venez de mettre en danger votre dentition.
En effet, une étude québécoise de la Direction de la santé publique de Montréal, publiée le 26mars dernier, relève les risques de cette pratique: "Notre étude montre clairement que les substances pathogènes véhiculées par les quittances de stationnement favorisent insidieusement le développement des bactéries cariogènes naturellement présentes dans la flore buccale", explique le professeur Thibaut Lemeunier, de l’Ordre des médecins dentistes du Québec. "Si environ la moitié de la population québécoise adulte montre déjà des signes d’une maladie parodontale, ce taux grimpe à plus de 65% pour les usagers réguliers de parkings souterrains", poursuit-il.
Plus inquiétant: toujours selon les chercheurs canadiens, le danger lié aux bandes magnétiques présentes sur bon nombre de cartes est sous-évalué. "Portées à la bouche, elles fragilisent rapidement les dents en provoquant une déminéralisation de l’émail par échange ionique. Cette déminéralisation est la première étape vers la carie", prévient Thibaut Lemeunier.
Des cas à Genève
Même si les parkings souterrains ne sont pas aussi nombreux à Genève que sur les rives du Saint-Laurent, le canton compte quand même près de 25000 places, gérées par une fondation. Et le même phénomène se produit. Le professeur Pierre Aeckermann, responsable de la Société genevoise d’odontostomatologie (SGO) l’a constaté: "A Genève, nous avons observé une nette augmentation des maladies bucco-dentaires auprès des automobilistes, en particulier des abcès gingivaux. A l’instar des billets de banques, il s’est révélé de manière formelle que les tickets de parkings sont vecteurs de certaines bactéries comme les streptocoques à la base de stomatites." Les stomatites sont des lésions inflammatoires des muqueuses de la bouche qui vont du simple aphte à la gingivite (qui touche les gencives) ou à la glossite qui touche la langue. "On a aussi constaté une augmentation des parotidites, les infections des glandes salivaires", poursuit le praticien.
Des muqueuses très sensibles
"Je ne veux pas être alarmiste, mais avec ce réflexe qui peut paraître bénin, le conducteur s’expose à de sérieux problèmes. C’est en effet bien connu: en cas de prolifération des bactéries, de la plaque dentaire va se créer. A la longue, ces dépôts entraînent la formation de poches entre les dents et la gencive, véritables nids pour les germes qui risquent de proliférer. Cette infection provoque alors une parodontite, c’est-à-dire une inflammation des tissus qui entourent la dent. Le stade suivant est la destruction de l’os autour des dents. Ces dernières deviennent de plus en plus mobiles et finissent par tomber", avertit le docteur Aeckermann.
Que faire pour l’éviter? "Comme tout corps étranger, tant que les tickets de parking ne seront pas aseptisés, je déconseille fortement de les mettre en contact avec une muqueuse."
Gratuité temporaire des parkings?
Alertées, les autorités de la Ville comptent bien agir au plus vite et lancer une vaste campagne d’information: "Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre qu’un citoyen lance une action en justice contre nous, prétextant que nous sommes partie prenante de la Fondation des parkings." En charge des finances de la ville, Pierre Müller va plus loin: "Je compte déposer une motion d’urgence afin de proposer la gratuité temporaire des parkings. Il serait peut-être temps de penser à la santé des automobilistes et de ne pas seulement les considérer comme des vaches à lait."
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Témoignage
Isabelle, 46 ans. Au début du mois de mars, cette secrétaire qui pensait avoir une hygiène dentaire irréprochable a dû se résigner à se rendre chez son dentiste. "J’ai toujours été particulièrement sensible au chaud et au froid, mais au début du mois, j’ai ressenti une douleur vraiment insupportable, comme une décharge électrique, en pénétrant dans un parking, ticket à la bouche."
Après radiographie et une analyse en laboratoire de sa flore bactérienne, son dentiste a été formel. L’émail de ses dents était touché et ses gencives altérées par les bactéries ne jouaient plus leur rôle. Deux dents ont alors dû être arrachées et remplacées par deux bridges. Coût de l’opération: près de 5000 francs!
"Le parking est déjà cher à Genève, mais si vous rajoutez ce que cela m’a coûté en frais dentaires, c’est scandaleux que l’on ne soit pas averti des risques encourus. Je peux le dire mainteant, j’ai vraiment une dent contre l’Etat."