PORTLAND, Oregon — Des physiciens du National Institute of Standards and Technology (NIST) aux Etats-Unis et de l’Université d’Innsbruck, en Autriche, ont transféré des informations entre deux emplacements sans utiliser de support physique.
Ces deux initiatives distinctes marquent la première téléportation d’états matériels, un concept qui existe depuis longtemps et qui pourrait ouvrir la voie à une technologie de cryptage indéchiffrable, une écoute électronique des informations étant impossible puisque les informations ne seraient pas transmises.
« Notre équipe ainsi que celle de l’Université d’Innsbruck ont été les premières à démontrer la téléportation d’états quantiques d’un emplacement vers un autre », explique le physicien du NIST, David Wineland. « Les deux équipes ont suivi très scrupuleusement l’algorithme original de Bennett et sont parvenues à téléporter des bits quantiques ». M. Wineland fait référence à la découverte du concept en 1993 par Charles Bennett et cinq de ses collègues d’IBM, selon lequel la matière pouvait en principe être téléportée car elle reposait sur des ondes mécaniques quantiques.
L’inconvénient est toutefois que l’original de l’objet téléporté serait détruit pendant le processus.
Selon M. Bennett, la téléportation élude le principe d’incertitude d’Heisenberg en vertu duquel la mesure détruit les informations mécaniques quantiques de la matière, ce qui rend donc impossible sa reproduction exacte.
M. Bennett prétend que, de par l’effet Einstein-Podolsky-Rosen, il est possible de détruire l’original tout en transmettant ses mesures (niveau énergétique, mouvement, spin, phase, superpositions, champs magnétiques et autres propriétés physiques qui seraient normalement perdues selon le principe d’Heisenberg) à un tiers qui pourrait les téléporter à un point terminal. Les données pourraient alors être utilisées pour reconstruire l’original, réalisant ainsi une téléportation sans reproduction.
Entre 1997 et 2002, plusieurs équipes de chercheurs ont fait la démonstration de la téléportation d’informations mécaniques quantiques — appelées bits quantiques — en ayant recours à la polarisation de la lumière. Cependant, les initiatives du NIST et de l’Université d’Innsbruck concernaient pour la première fois la téléportation de bits quantiques d’un atome physique à un autre. Les deux équipes n’ont pas téléporté de la matière physique, mais uniquement sa description mécanique quantique. « Nous pensons que les ordinateurs quantiques du futur devront utiliser la téléportation. C’est pour cela que nous voulions prouver ce principe afin que nous et d’autres puissions commencer à essayer de construire des portes et des processeurs quantiques », explique M. Wineland.
Atomes entremêlés
L’approche utilisée par les deux équipes consistait à commencer avec une paire d’atomes « entremêlés » — c’est-à-dire deux atomes (« A » et « B ») dont les états quantiques sont liés par les manipulations d’un faisceau laser (pendant 4 millisecondes, ils étaient liés par une force invisible qu’Einstein avait déjà pu observer).
Elles ont ensuite transféré des informations quantiques d’un atome A au point « C » — un ion de béryllium pour l’équipe du NIST et un ion de calcium pour l’équipe autrichienne — en effectuant une opération mathématique appelée une mesure d’état de Bell qui détruit l’état mécanique quantique de A (en le mesurant avec précision).
Les résultats de la mesure d’état de Bell sont ensuite envoyés vers le point terminal de la téléportation, où ils interagissent avec l’atome B entremêlé pour construire l’état quantique original de A.
« Nous ne savons jamais ce que contiennent les bits quantiques. Nous savons uniquement que leurs informations ont été détruites dans l’original mais préservées lors de la téléportation vers l’ion entremêlé », explique M. Wineland.
Avec certaines améliorations, cette technique pourrait permettre l’élaboration de codes de cryptage indéchiffrable. Seule une personne en possession du deuxième ion entremêlé serait en mesure de décoder les informations. Les deux équipes annoncent des taux de réussite de 75 à 78 % lors du processus de téléportation.
Le NIST a atteint son objectif en créant des pièges à ions avec des électrodes en or reposant sur de l’alumine. En transférant des ions entre six pièges au maximum, réalisés à partir de huit électrodes, le NIST est parvenu à démontrer plusieurs fois la téléportation d’états quantiques.
Les travaux du NIST sont financés par l’Advanced Research and Development Activity et la National Security Agency.
Source : http://www.eetimes.fr/bus/news/showArti ... D=22102935