La dernière histoire belge
GAG L'édition Benelux 2005 avait distingué un restaurant avant son ouverture. Un ancien inspecteur, pourfendeur de l'institution, se met une nouvelle fois à table. Interview
SERGE BRESSAN
28 janvier 2005
Une première, que certains présentent déjà comme la dernière histoire belge en date... Pour la première fois en cent cinq ans d'existence, un Guide Michelin est retiré de la vente trois jours seulement après sa parution. Au lendemain du scandale, les 50 000 exemplaires du Guide Michelin Benelux 2005 ont été enlevés des rayons des librairies.
Tout ça parce que le «Rouge» - encore surnommé le «Miche» - a accordé une distinction à un restaurant d'Ostende ouvert peu avant la parution dudit guide! Inspecteur au Michelin pendant seize ans, de 1988 à 2004, Pascal Rémy a écrit, l'an passé, «L'inspecteur se met à table»*, un livre corrosif qui, pour la première fois, démontrait l'impossibilité pour un nombre réduit d'inspecteurs (5 pour la France, 4 pour l'Espagne, 3 pour la Suisse ou encore la Belgique) de visiter tous les hôtels et restaurants du pays. Et y laissait entendre qu'il existe de «petits arrangements entre amis».
Comment se passe la visite d'un inspecteur dans un hôtel ou dans un restaurant?
Dans un hôtel, c'est toujours une visite rapide, pas plus de vingt minutes. Dans la journée, l'inspecteur doit visiter dix à douze établissements. Et ce n'est jamais anonyme. Pour un hôtel, on prend contact avant la visite. Pour un restaurant, en général, on arrive discrètement pour le repas, on règle l'addition et, là, on se présente.
En seize années d'inspection pour le Michelin, avez-vous noté un changement d'approche, de conception?
Très nettement quand, en 2002, François Michelin a cédé sa place à son fils Edouard. Pendant longtemps, le Guide a été la danseuse du groupe, très utile pour l'image. Et là, soudain, on appliquait ouvertement, comme pour n'importe quel secteur d'activité du groupe, la notion de rentabilité. Avec une idée fixe: toujours aller à l'essentiel. Avec les risques que cela sous-entend.
Comme noter un établissement qui vient tout juste d'ouvrir?
Absolument! Aujourd'hui, le Michelin s'est rapproché des chefs et non pas de ses acheteurs, et cet épisode belge n'est pas vraiment une première. Il nous est souvent arrivé au Michelin de mentionner, sans les visiter, des établissements qui déménageaient ou qui s'apprêtaient à ouvrir. Mais jusqu'alors on ne leur accordait aucune distinction, la première année.
Avec cette histoire belge, peut-on encore faire confiance aux Guides?
Je dirai seulement que ce n'est pas mal de se laisser guider par son inspiration. Ou de faire confiance au bouche à oreille.
* A lire, ou à relire: «L'inspecteur se met à table», de Pascal Rémy (Editions des Equateurs, 174 pages)
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