Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Suède, malgré sa neutralité, est allée plus loin que d'autres pays dans l'application des lois raciales.
par Anne-Françoise HIVERT
La Suède n'en finit plus de fouiller son passé et le quotidien Dagens Nyheter de l'exposer. Après ses révélations sur l'achat d'or nazi, puis sur la campagne de stérilisation forcée menée de 1935 à 1976 en Suède, le journal a publié mardi un témoignage relatant l'application des lois de Nuremberg par le royaume, durant la Deuxième Guerre mondiale. Agé aujourd'hui d'une soixantaine d'années, Mathias Rapps raconte l'histoire de ses parents, d'origine allemande, réfugiés en Suède en 1935. Sa mère était «aryenne», son père juif. Ils voulaient se marier. Mais les autorités suédoises s'y opposèrent et refusèrent même de reconnaître leur mariage, célébré plus tard au Royaume-Uni. Et ce, jusqu'à la capitulation de l'Allemagne nazie.
«Embarrassantes». A l'époque, la Suède arguait qu'elle s'était engagée à respecter le droit marital des pays tiers, en signant la convention internationale de La Haye, en 1902. Or la législation allemande était claire. Depuis 1935, la loi «pour la protection du sang et de l'honneur allemand» interdisait les mariages entre juifs et citoyens «de sang allemand ou assimilé». L'histoire du couple Rapps est loin d'être unique. Mais elle était méconnue, jusqu'à ce qu'un chercheur du centre de théologie et d'étude des religions de l'université de Lund s'y intéresse. Ces cinq dernières années, Anders Jarlert a analysé l'application des lois raciales en Suède de 1937 à 1947. Ses découvertes sont «surprenantes, embarrassantes et inquiétantes», selon le Conseil suédois de la recherche.
En 2001, le gouvernement a alloué 29 millions de couronnes (3,05 millions d'euros) à l'organisme pour qu'il finance divers projets d'étude, destinés à faire le point sur les relations de la Suède avec l'Allemagne nazie. Les premiers résultats de ces cinq années de recherche viennent d'être dévoilés. Le tableau dressé par l'historien Klas Amark, professeur à l'université de Stockholm et coordinateur du projet, est sombre. Selon lui, le travail réalisé par une dizaine de chercheurs illustre «le dilemme moral engendré par la politique de neutralité». Il précise : «La majorité des Suédois, ainsi que le gouvernement, ne désiraient rien d'autre que la paix. Ils étaient donc prêts à céder aux exigences de l'Allemagne nazie, si cela pouvait permettre d'éviter la guerre.»
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